Dossier de Mandat de Grancey – un lotissement – un patrimoine

Le terme paysage a été défini dans la convention européenne comme étant : «Une partie du territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations. ».

Le paysage est également reconnu juridiquement « en tant que composante essentielle du cadre de vie des populations, expression de la diversité de leur patrimoine commun culturel et naturel, et fondement de leur identité ».  

Au mois d’août 2024, nous apprenions qu’une demande d’urbanisation de 6 lots à vocation d’habitation unifamiliale, rue des combattants à Noville-les-Bois a été demandée.

Cette demande de permis d’urbanisation dans le cadre d’un lieu soumis à des mesures urbanistique liées au patrimoine a de quoi surprendre.

C’est en 1934 que le 1er classement du château de Fernelmont fut reconnu, et, dès lors devint bien protégé soumis à des mesures urbanistiques liées au patrimoine.

Un bien protégé est entouré d’une zone de protection dont le périmètre a été défini en fonction du contexte paysager ou urbanistique. Cette zone de protection a pour but de protéger les perspectives vers et à partir d’un bien classé.

Les demandes de permis d’urbanisme relatifs à des actes et travaux sur un bien situé dans une zone de protection sont soumises aux mesures particulières de publicité et à l’avis de la Commission Royale des Monuments et des Sites et de l’Agence Wallonne du Patrimoine s’ils sont de nature à modifier les perspectives vers et à partir de ce bien.

Vu le contexte particulier de cette demande, notre ASBL se devait de réagir en s’opposant à ce projet.

Le 01/09/2024 nous écrivons :

Vous avez peut-être remarqué des panneaux pour Enquête Publique  implantés rue des Combattants à Noville-les-Bois (section rue de Dompire – rue du Vicinal).

Cet affichage porte sur une demande de permis de lotir pour 6 maisons unifamiliales, ainsi qu’une adaptation de la voirie.

Les demandeurs et auteur de ce projet sont :

Consorts de Mandat Grancey, propriétaires.

Représenté par M. Jean-Pierre Guisset, régisseur, rue de Bourgogne 38, 5024 Gelbressée.

Auteur du projet : M. Eric Verdbois, Géomètre-expert, rue Mahy 14, 5380 Noville-les-Bois

Après lecture du dossier, nous avons constaté que la présence de la zone de patrimoine protégé du château, ainsi que le château ont été totalement ignorée.

Outre les aléas liés à l’implantation d’un lotissement en lui-même, pouvez-vous imaginer que l’adoption de ce projet vienne effacer un paysage que des yeux ont scruté, apprécié, respecté pendant plus de 11 siècles ?

Vous pouvez consulter ce dossier et émettre votre opinion auprès du service urbanisme rue Goffin 2, Noville-les-Bois, chaque jour ouvrable de 9h00 à 12h00 sur rendez-vous jusqu’au 20/09/2024 – 11h00.

Les documents sont aussi consultables sur simple demande par mail au même service.







« Nous avons un héritage, laissé par la nature et par nos ancêtres.
Des paysages ont été des états d’âme et peuvent encore
l’être pour nous-mêmes et ceux qui viendront après nous ;
une histoire est restée inscrite dans les pierres des monuments. »

Jean Giono








En savoir plus :

Le château de Fernelmont



La Ferme de Dompire



A la lecture de la notice d’évaluation des incidences sur l’environnement annexée par le demandeur, il déclare :

  • qu’il n’existe pas de biens classés à proximité.
  • que le projet ne porte pas atteinte au site.
  • qu’il n’y a aucun impact sur le patrimoine naturel

Le 19/09/2024 – en réponse à l’enquête publique à l’Administration Communale de Fernelmont, nous écrivons :

Concerne : demande de permis d’urbanisme de Monsieur Jean-Pierre Guisset, création de six lots à vocation d’habitation unifamiliale et modification de voirie à 5380 Noville-les-Bois, rue de combattants, parcelle cadastrée Sion A n° 330A & 328. Avis d’enquête publique du 09/08/2024.

Veuillez prendre en considération notre opposition au projet susmentionné.

Ce projet se situera à proximité du château de Fernelmont (XIIIe s), classé (1934 & 1982) et inscrit au patrimoine exceptionnel de Wallonie. Seul subsisterait une frêle parcelle cultivée entre son implantation et la zone patrimoniale protégée du château.

Dans la demande de l’auteur du projet, aucune mention de zones protégées et d’un bien classé n’est évoquée.

Comme le définit la protection du patrimoine ce projet passe sous silence les quatre clés essentielles du site :

  • la rareté
  • l’authenticité
  • l’intégrité
  • la représentativité

Il nous paraît primordial, dans le cadre de cette demande, de solliciter l’avis de l’Agence wallonne du Patrimoine et de la Commission royale des Monuments, Sites et Fouilles dans le cadre de l’instruction de la demande.

Selon la Convention Européenne de Florence (2000, ratifiée par la Belgique au Moniteur Belge en 2004), dite « Convention des Paysages », le mot « paysage » désigne « une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations ».

La convention inclut les espaces terrestres, les eaux intérieures et maritimes. Elle concerne, tant les paysages pouvant être considérés comme remarquables, que les paysages du quotidien et les paysages dégradés. »

Son article 5. Mesures générales. Chaque Partie (= état membre, région, autorité locale) s’engage :

    a) à reconnaître juridiquement le paysage en tant que composante essentielle du cadre de vie des populations, expression de la diversité de leur patrimoine commun culturel et naturel, et fondement de leur identité ;

    b) à définir et à mettre en œuvre des politiques du paysage visant la protection, la gestion et l’aménagement des paysages par l’adoption des mesures particulières visées à l’article 6 ;

    c) à mettre en place des procédures de participation du public, des autorités locales et régionales, et des autres acteurs concernés par la conception et la réalisation des politiques du paysage mentionnées à l’alinéa b ci-dessus ;

    d) à intégrer le paysage dans les politiques d’aménagement du territoire, d’urbanisme et dans les politiques culturelles, environnementales, agricoles, sociales et économiques, ainsi que dans les autres politiques pouvant avoir un effet direct ou indirect sur le paysage. »

Ce projet d’urbanisation aurait une incidence notable tout autant sur le château en lui-même que sur le paysage bucolique intégrant la ferme de Dompire, ancien fief des Harscamp (XVIIIe s) et porterait atteinte à notre patrimoine commun.

Le château de Fernelmont est un objet de visite européen, son attrait touristique pour la région wallonne est incontestable. Que pensera le visiteur de voir un site médiéval affublé d’un ensemble de maisons clé sur porte ? 

Outre les aléas liés à l’implantation d’un lotissement en lui-même, pouvez-vous imaginer que l’adoption de ce projet vienne effacer un paysage que des yeux ont scruté, apprécié, respecté pendant plus de 11 siècles ?

Ce projet reflète encore des relents de législation/réglementation des années ’70 toujours sous le joug d’un plan de secteur aussi moribond que vétuste et dont nous sommes toujours à l’heure actuelle les victimes ; ceci concerne tant les autorités de tutelles que les citoyens au profit d’une urbanisation aussi frénétique que rentable.

La préservation de notre patrimoine fait partie intégrante de nos vies et un paysage reste un paysage, ce projet doit être éconduit.

Noville-les-Bois, le 19 septembre 2024

Pour l’Organe d’Administration de Fernelmont Villages Patrimoine,

Claire Ceulemans                    Michel Rodembourg                      Etienne Roland

Administratrice                        Administrateur                              Administrateur


Rue des Combattants 11 
B 5380 Noville-les-Bois                   

Email : fernelmontvillages@gmail.com – N°entreprise : 0836275404  –   https://www.fvp-asbl.be/

La Convention Européenne de Florence

Authentification, le 20/10/2000

Ratification Belge, le 28/10/2004

Conseil de l’Europe – Les traités européens

Reflet de l’identité et de la diversité européenne, le paysage est notre patrimoine naturel et culturel vivant, qu’il soit remarquable ou quotidien, urbain, industriel ou rural, terrestre ou aquatique.

Suivant les termes de la Convention la «Politique du paysage» désigne la formulation par les autorités publiques compétentes des principes généraux, des stratégies et des orientations permettant l’adoption de mesures particulières en vue de la protection, la gestion et l’aménagement du paysage.

Ayant à l’esprit les textes juridiques existant au niveau international dans les domaines de la protection et de la gestion du patrimoine naturel et culturel, de l’aménagement du territoire, de l’autonomie locale et de la coopération transfrontalière, notamment la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe (Berne, 19 septembre 1979), la Convention pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l’Europe (Grenade, 3 octobre 1985), la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (révisée) (La Valette, 16 janvier 1992), la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (Madrid, 21 mai 1980) et ses protocoles additionnels, la Charte européenne de l’autonomie locale (Strasbourg, 15 octobre 1985), la Convention sur la diversité biologique (Rio, 5 juin 1992), la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel (Paris, 16 novembre 1972), et la Convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement (Aarhus, 25 juin 1998) ;

Reconnaissant que la qualité et la diversité des paysages européens constituent une ressource commune pour la protection, la gestion et l’aménagement de laquelle il convient de coopérer ;

Souhaitant instituer un instrument nouveau consacré exclusivement à la protection, à la gestion et à l’aménagement de tous les paysages européens,

Sont convenus de ce qui suit :

Dans un courrier daté du 10 octobre 2024, la commune de Fernelmont nous a fait part de la décision de refus du collège communal.

En l’absence de l’argumentation relative à cette résolution, nous restons dépités confronter à l’usage fait du plan de secteur, instrument s’avérant d’un archaïsme démesuré menant aux situations qui nous occupe à chaque fois que nous abordons le sujet du territoire et de l’urbanisme.

Adoptés entre 1977 et 1987, les plans de secteur wallon (23) reflètent encore un aménagement du territoire d’une autre époque, empreint d’une certaine euphorie d’expansion économique, se manifestant par un état d’esprit aux relents d’Exposition Universelle de 1958.

Dans cette situation le seul pouvoir existant devant une réglementation inadaptée est le mécanisme de dérogation au plan de secteur.

Une méthodologie incohérente à usage multiple qui ne semble pourtant jamais remise en cause.

A ce sujet, en intervention au parlement wallon (2024), le ministre Willy Borsus déclare :

« Depuis l’entrée en vigueur du Code de développement territorial (CoDT), le plan de secteur est désormais le seul outil d’affectation à caractère réglementaire. Les autres documents, dont le schéma d’orientation local, qui ont succédé au plan communal d’aménagement n’ont qu’une valeur indicative.
 
La révision du plan de secteur est donc la seule procédure permettant de modifier l’affectation donnée à un terrain par ce plan.
 
Si le Code ne permet plus l’utilisation d’un instrument local pour modifier l’affectation conférée par le plan de secteur, il a cependant élargi les possibilités de réviser ces plans par l’introduction de l’article D.II.47, qui permet dorénavant aux communes de prendre l’initiative de solliciter cette révision auprès du Gouvernement lorsqu’elle vise un nouveau zonage qui constitue une réponse à des besoins qui peuvent être rencontrés par un aménagement local. »

Une refonte profonde d’un aménagement du territoire wallon, dans ces conditions, sera-t-elle, un jour envisageable ?

Verrons-nous un jour une concertation/participation citoyenne sur l’avenir de notre cadre de vie sans les seules prérogatives d’un ministre ?

 




Les efforts conjoints des riverains et des citoyens de Noville-les-Bois et d’ailleurs auront permis à ce jour la préservation de ce site. A tous et toutes merci.

Ce dossier est une réalisation de l’ASBL tous droits réservés.